Appel des 100 pour refuser la dictature
du tout-anglais
Dans sa qualité, dans son usage même, la
langue française sombre en déshérence. Comme tant d'autres langues, et avec
trop d'autres cultures, elle se trouve de fait colonisée par l'hégémonie
anglo-américaine.
À l'occasion du soixante-dix-neuvième
anniversaire de l'appel à la résistance du Général de Gaulle, un collectif
composé de représentants de vingt-cinq nations s'adresse au Président de la
République française.
Au chef de l'État premier contributeur
de la Francophonie, ce collectif demande de montrer l'exemple de la résistance,
plutôt que de collaborer à la colonisation de notre pays.
Monsieur le Président de la République,
La langue française va mal. Non plus étoffée mais étouffée par l'anglo-américain,
elle voit désormais son usage même évincé par cette dernière langue
devenue si peu étrangère. Confrontée à cette invasion, notre mémoire renvoie en
écho un passé douloureux de soumission et d'oubli de soi. Une majorité
capitulatrice plaidera le réalisme, hermétique aux cris sourds d'une identité
enchaînée par une pseudo "langue universelle", en réalité servante
d'un maître particulier.
Le français outragé, le français brisé, le
français martyrisé. Mais le français rendu à la dignité si, Monsieur le
Président, vous choisissez de suivre enfin la trace laissée par l'esprit de
résistance.
– Il est demandé au chef de l'État premier contributeur
à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), de montrer
l'exemple : en renonçant à l'emploi de l'anglo-américain à l'étranger,
quand le français demeure l'une des deux premières langues d'usage d'une
majorité d'organes internationaux ; en renonçant à l'utilisation peu digne de
l'anglo-américain en France même, décourageant ainsi nos visiteurs de pratiquer
une langue désertée par ses locuteurs naturels.
- Il est demandé au chef de l'État : De faire étudier une loi
renforçant le dispositif linguistique présent en en rendant notamment
l'application contraignante. De rappeler aux autorités judiciaires leur pouvoir
de poursuivre les contrevenants à une loi constamment bafouée. De rappeler,
immédiatement, les préfets à leur obligation de contrôle de légalité pour les
collectivités en infraction, par défaut, avec l'article 15 de la Loi du 4 août
1994.
- Il est demandé au garant de la Constitution d'interrompre la marche
suicidaire vers l'intronisation de la langue anglo-américaine comme seconde
langue officielle de la nation ; ainsi devrez-vous mettre un terme au projet
sacrilège prétendant dispenser dans les établissements scolaires des cours de
matières générales en anglo-américain.
Ce manifeste reçoit des signatures venues de France, mais aussi des francophones du monde entier. Du pays source de la langue commune, la Francophonie attend légitimement le signal fort d'une résistance enfin consciente de l'enjeu.
- Il est donc attendu du chef de file de l'OIF qu'il mette la politique
étrangère de la France en accord avec les revendications humanistes de
l'organisation, fidèle à la langue des Lumières, celle de l'égalité et du
partage. À cet égard, nous déplorons l'installation au poste de secrétaire
générale de l'OIF d'une personnalité rouandaise membre actif d'un régime
politique détestable.
- Il est attendu du chef de file de l'OIF qu'il défende l'usage de la
langue française, non qu'il le rétrécisse. Les francophones se sont
particulièrement émus de votre adoubement, lors du dernier Sommet de la
Francophonie, de l'anglo-américain comme "langue d'usage" pour le
monde. À en juger par le dynamisme économique d'une majeure partie de l'Afrique
francophone, comme par la vitalité économique du Canada francophone, terre de
créativité et de haute technologie, leur "langue d'usage" – le
français – en vaudrait pourtant d'autres.
Lors de ce Somment, nous vous avons également entendu ceindre la
langue française du titre de "langue de la création". Conviendrait-il
déjà que l'État encourageât les appellations françaises pour baptiser nouveaux
produits et services créés par toute entreprise revendiquant son aide ; mieux,
par toute entreprise où entrent des capitaux d'État. Or il se produit très
exactement l'inverse.
Faute d'avoir su précéder le Québec comme référence mondiale pour la
défense du français, du moins sachons nous inspirer de sa pugnacité et
abandonner nos comportements serviles. Il y va de notre identité nationale et
de l’avenir de la Francophonie.
Nous vous remercions de l'attention que vous voudrez bien porter à
notre requête.
Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, à notre
haute considération.